La Suisse s’est forgée une solide réputation grâce à son système de formation dual, reconnu pour sa capacité à répondre efficacement aux besoins de l’économie et aux attentes de la population depuis plusieurs décennies.
Aujourd’hui pourtant, l’apprentissage semble perdre de sa popularité. Les formations académiques sont perçues comme la voie royale, tant pour répondre aux exigences des entreprises que pour satisfaire le désir « d’élévation intellectuelle » d’une grande partie de la population. Mais cette orientation exclusive est-elle vraiment la meilleure ?
Rien n’est moins sûr, surtout lorsqu’on considère les opportunités exceptionnelles offertes par le système dual suisse, unique en son genre. Le recul de l’apprentissage trouve ses origines dans plusieurs facteurs, selon la perspective adoptée. En voici quelques-uns :
• Un manque de valorisation institutionnelle : trop souvent, l’apprentissage est présenté comme une solution de dernier recours par des enseignants et conseillers d’orientation eux-mêmes issus de filières académiques, et donc naturellement moins enclins à en percevoir toute la richesse.
• Une préférence marquée des entreprises pour les profils académiques, alors même qu’une formation pratique complétée par des modules théoriques permet de répondre efficacement aux exigences du marché.
• Un effet de mimétisme dans le recrutement, où la préférence va à des parcours similaires aux siens, au détriment de la diversité des profils et de la complémentarité des compétences.
• Une génération en quête de réussite rapide et de reconnaissance sociale, qui perçoit les filières académiques comme un moyen plus direct d’atteindre des postes mieux rémunérés et plus prestigieux.
• Une surexposition médiatique des « success stories » académiques, souvent mises en scène de manière glamour, qui relègue les parcours plus « classiques » à l’arrière-plan.
• Une vision culturelle différente chez certains parents issus de l’immigration, pour qui l’apprentissage n’a pas le même prestige que dans le contexte suisse. Le cas de la France, par exemple, illustre bien ce décalage.
Ces perceptions contribuent à une image dévalorisée de l’apprentissage, alors qu’il s’agit d’un modèle de formation exemplaire. Je parle d’expérience : issu moi-même d’un parcours d’apprentissage enrichi par des formations internes et externes, j’ai construit une carrière passionnante, épanouissante et – pour reprendre un critère cher à la jeunesse – tout à fait rémunératrice.
La Suisse dispose depuis longtemps d’un système dual particulièrement performant, capable de s’adapter aux besoins de l’économie, des jeunes et de la société.
Pourtant, de nombreuses entreprises peinent cette année à recruter leurs apprentis. Il est donc urgent de revaloriser cette voie, de la promouvoir activement, et de rappeler qu’elle n’est nullement une impasse : grâce à la perméabilité du système suisse, des passerelles vers les filières académiques restent toujours ouvertes.
Merci pour votre lecture et à bientôt