La gestion des espaces de travail, particulièrement dans le secteur tertiaire, semble de plus en plus marquée par une forme de frénésie collective. Entre les hauts dirigeants qui exigent le retour au bureau après la pandémie pour mieux contrôler leurs équipes et ceux qui adoptent une approche plus tolérante, une nouvelle fracture est en train de se dessiner.
Chacun y va de son propre argumentaire, citant des statistiques provenant des médias et des instituts de sondages pour dénoncer les failles du « système » adverse, tout en négligeant la voie médiane du « en même temps », qui semble pourtant bien fonctionner dans de nombreux cas.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? Il serait bien difficile de répondre de manière définitive à cette question, mais on peut, sans trop se tromper, établir un parallèle avec l’évolution du monde géopolitique, de plus en plus rigide et clivant.
En confrontant les deux tendances opposées concernant les espaces de travail, il est frappant de constater l’ascension d’idéologies simplistes qui, à bien y regarder, sont loin d’être dignes des exigences d’un management éclairé :
• Obliger le présentiel permet d’assurer la qualité et la productivité, tandis que laisser ses collaborateurs télétravailler pourrait permettre de retenir les jeunes talents et de soutenir leur vision du travail. Ces deux approches sont-elles véritablement incompatibles ?
• Exiger le présentiel facilite la gestion et le contrôle des équipes, tandis que le télétravail semble imposer une gestion plus souple et créative. Est-il réellement problématique de demander un jour de présentiel par semaine pour les réunions, tout en permettant deux jours de télétravail au choix ?
• La présence de places fixes permet de mieux contrôler les employés, tandis que l’introduction du flex desk optimise l’utilisation des ressources et favorise les échanges en fonction des projets. Et si, malgré un présentiel obligatoire, environ 25 % des employés sont souvent absents, ne serait-il pas plus judicieux d’optimiser l’utilisation de l’espace plutôt que de se déclarer roi de l’efficience ?
• La technologie permet de communiquer de manière sécurisée, tant en interne qu’en externe, à condition d’y investir les ressources nécessaires. Mais est-ce vraiment par la contrainte qu’on développe la collaboration, ou ne pourrait-on pas envisager des solutions plus flexibles ?
En insistant sur le retour au bureau et en imposant une « contrôlite aiguë », les entreprises risquent de produire l’effet inverse de ce qu’elles recherchent : une démotivation croissante des employés, un détachement de l’entreprise, des initiatives brisées par des décisions souvent peu claires, et un sentiment de dévalorisation, voire d infantilisation, des collaborateurs.
Il est grand temps — et soyons francs, beaucoup d’entreprises l’ont déjà compris — de combiner différents modèles de présentiel, de télétravail, de gestion des horaires et d’espaces de travail flexibles pour créer un ensemble harmonieux. Le tout, bien sûr, sous la direction de managers compétents et adaptés à ces nouveaux enjeux. Il est frappant de constater l’absence de certaines ressources humaines dans cette réflexion stratégique…
Avec des règles organisationnelles claires, des espaces de travail attrayants et surtout une hiérarchie inclusive et bienveillante, il est possible de réaliser des prouesses au quotidien. Le véritable défi réside dans le fait que de nombreux managers, à tous les niveaux (directs, N+2, N+3), se trouvent souvent démunis face à ces concepts novateurs. Pourtant, avec un peu de pédagogie et de sensibilité, il est tout à fait possible de trouver un mode de travail à la fois efficient, efficace et harmonieux.
Espérons que les partisans des approches extrêmes ne triompheront pas et que le pragmatisme, combinant plusieurs modèles, s’imposera comme la solution idéale au sein des entreprises modernes.
Bonne lecture et à bientôt.